Mes Rencontres avec BARTABAS, le Centaure

C’est toujours très compliqué de trouver les mots pour exprimer quelque chose de très complexe, plein de sens et d’émotion. C’est aussi le cas pour Bartabas, pour son art sophistiqué et tout son monde intense, sensuel et bouleversant derrière lui.

Mais qui se cache derrière Bartabas ?

Le saura-t-on un jour !? Est-il d’une nature à s’être déjà laisser déchiffrer ?! Peut-être qu’en monnaie d’échange, nous avons à voir une multitude de verrous…tel un accès au-delà des apparences, de la corporalité telle qu’on la connaisse, à une invitation à redécouvrir un monde teinté par un nuage d’opium, à travers lequel apparaît son corps de centaure néophyte.

Il nous reste qu’à se laisser emmener dans une promesse de liberté, telles des victimes qui se précipitent pour s’offrir à un grand séducteur, afin de trouver un code secret. Oui, ses spectacles sont une offre de rêve ; c’est comme partir dans un voyage mystique, ou le temps s’arrête, l’espace se réinvente, ou il faut se soumettre à un rituel collectif dans un territoire qui ne nous n’appartient plus mais qui séduit et qui fascine d’une manière trop hypnotique.

Jérôme Garcin m’a aidé à trouver quelques clés vers le monde de Bartabas. Son livre m’a ouvert quelques portes qui donnent au même jardin mais qui passent par des différents labyrinthes. Tout d’abord, il va falloir apprendre un peu de skovatch, une langue morte mais qui revit à travers l’art de Bartabas, qui parle à travers les mouvements de ses chevaux. Car il ne faut pas oublier, que Bartabas c’est l’homme qui a quitté les hommes, pour choisir l’instinct, l’homme qui pense avec le sang de son cœur, et qui sait le mieux montrer l’humanité dans l’animalité. Si on arrive à comprendre le skovatch, sans le parler, on peut alors dialoguer avec nos ombres, et écouter le silence qui parle…

Derrière les rideaux rouges qui s’ouvrent, on va rentrer dans la légion étrangère Bartabasienne, là où ce qui a été avant, n’existe plus, ou notre passé n’intéresse plus, ou on peut nous créer une autre identité, illustrer une légende idéaliste, fantastique, se soumettre aux lois de ses éléments et sortir différents. Il va falloir se « depétrifier » dans l’obscurité, prendre le gout au nomadisme s’épanouir dans la liberté illusoire et promesses d’éternité. Dans ce voyage, Bartabas sera notre maitre, le Don Quichotte qui est son propre romancier et qui n’a pas peur d’affronter les moulins sociétaux. Il est trop gitan pour s’enraciner, c’est pourquoi il va falloir se soumettre à son imagination. Il va nous apprendre comment peindre l’homme qui sait concrétiser les rêves de son inconscient et qui force ses propres caricatures à maitriser l’indomptable.

Il va falloir alors, se laisser couler dans son mirage qui cache des significations, pour trouver une oasis miraculeuse sur laquelle flottent des bougies. La lumière de Bartabas est toujours silencieuse, c’est une lumière qui donne son secret à l’architecture de ses ombres, à nos visages méditatifs éclairés par la flamme d’une chandelle. Tout pour former une grande illusion caravagiste, une chimère à la caresse dangereuse… Après un doux moment d’impression intemporelle, unies dans nos désirs communs de perfection, et seuls dans nos efforts, le temps viendra pour gagner en amplitude et commencer une procession sacramentelle. D’une intensité collective, on va construire un empire de sable dans un nuage de poussière et de fumée, d’où une race hybride va naitre. Son sang qui fume, le son sourd de son souffle va réveiller nos envies révoltées de prendre rendez-vous avec la grâce. Le moment vient pour celui trouble et émouvant, lisible dans le regard impulsif, déchiré et sanglant dans une bataille avec sois même.

Accompagné par des sonates fantomatiques et l’érotisme du parfum d’une terre grillée des traces mêlées de pieds et de sabots, notre ego va finalement s’éteindre, par l’acceptation de l’autre soi, de celui qui a les narines fumantes… Notre voix bestiale va enfin trouver son compagnon d’exil, gourmand de cette même perfection, ayant créé le jeu d’un éphémère moment de grâce. Après avoir bouleversé les traditions, nos corps libérés, vont valser comme des fantômes aux ailes de papillon, sur les épaules roses du cheval aux yeux clairs. Nos corps vont s’éclipser, créant le rêve mystique, d’une beauté effrayante, angélique… Nous allons former un seul corps d’une divinité hermaphrodite des sangs mêlés, un corps impatient d’éteindre à sa liberté, insoucieux du danger.

Un paysage de silence, nous amène le sentiment de sérénité, laissant des résonances dans nos corps chargé de sensualité et d’harmonie. Ce voyage va encore galoper dans la tête pendant longtemps. Il va rester imprimé, tel un tatouage, profond dans notre épiderme, et bien au-delà ; il va se déposer dans notre mémoire vivante, qui nous rappellera ce sculpteur de sentiments qu’est Bartabas.

V.O

 

 

 

 

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